Les poisons dans les films de James Bond ont-ils un semblant de vérité scientifique?

vendredi 8 octobre 2021


Chaussures empoisonnées au venin, mystérieux poison extrait d'une orchidée ou capsule de cyanure... De nombreux « méchants » ont recours à des poisons fulgurants dans les différents films de James Bond. Une chimiste a fait le point sur la crédibilité scientifique de ces substances et de leur létalité.  

Un bon film de James Bond ne se conçoit pas sans ses inénarrables gadgets high-tech, ses courses-poursuites à travers des rues bondées ou ses explosifs spectaculaires. Mais, dans certains épisodes, 007 et les affreux méchants qu'il pourchasse s'adonnent aussi au poison, une spécialité par ailleurs bien connue des Russes, adversaires historiques de l'espion britannique. Passionnée de chimie et de polars, la chimiste et écrivaine Kathryn Harkup explore dans un article de Chemistry World les poisons réels ou fictifs utilisés dans les films de James Bond.

L’orchidée noire de « Moonraker »

Dans Moonraker (1979), l'horrible Hugo Drax extrait un composé d'une mystérieuse « orchidée noire », dont le pollen rend stérile, pour le modifier afin le rendre létal et éradiquer l'humanité. Son projet consiste à disperser le composé sur tout le globe à partir de la station spatiale secrète qu'il s'est construite. Une intrigue complètement capillotractée mais dont l'idée se tient sur le plan scientifique ; après tout la ricine, l'un des agents les plus dangereux et toxiques d'origine végétale, est bien extraite de la graine de ricin, et le Royaume-Uni est même allé jusqu'à développer des petites bombes qui propageaient des nuages de poudre de ricine pouvant coller aux vêtements et être inhalés.

Mis à part quelques détails, la molécule montrée à Bond dans un briefing de Q semble également assez réaliste. « Il y a quelques erreurs dans la structure, mais les cinéastes méritent un bon point pour avoir au moins essayé de la rendre crédible, commente Kathryn Harkup. La molécule comporte des fragments qui ressemblent à des composés de phosphine létaux -- il y a un oxyde de phosphine diéthyle à une extrémité de la structure avec un oxygène supplémentaire. Ce n'est pas trop éloigné de l'agent innervant VX. On voit aussi trois anneaux de carbone au milieu de la molécule, ce qui fait penser à des stéroïdes».

Les chaussures à venin de « Bons baisers de Russie »

Dans le film Bons baisers de Russie (1963), les agents du Spectre Rosa Klebb et Morzeny portent des chaussures munies d'une lame rétractable empoisonnée dissimulée dans l'embout, provoquant la mort en sept secondes. La version cinématographique ne s'étend guère sur la nature du poison mais, dans le roman, le poison dont est victime James Bond est décrit comme de la tétradotoxine. 

Ce puissant neurotoxique, que l'on retrouve chez le poisson-globe ou le triton Taricha granulosa, qui l'accumule dans sa peau, agit en empêchant l'activation d'un canal sodique présent dans les membranes plasmiques des cellules excitables, comme les nerfs ou les muscles squelettiques. Quelques milligrammes suffisent effectivement à tuer n'importe quel être humain par asphyxie et paralysie. Dans le livre, Bond survit à l'agression grâce à une technique de bouche à bouche maintenant une respiration artificielle le temps qu'un médecin arrive. À noter que les chaussures à pointe font une brève réapparition dans Meurs un autre jour (2002), parmi les objets stockés par Q dans son bric-à-brac.

Le cocktail empoisonné à la digitale de « Casino Royale »

Hasard du calendrier, le film Casino Royale est sorti la même année et le même mois (2006) que celle où l'ex-agent russe Alexander Litvinenko a été victime d'un thé empoisonné au polonium 210, une substance radioactive qui provoquera sa mort un mois plus tard. C'est un poison bien plus connu, la digitaline, qui est utilisé par le Chiffre pour empoisonner le cocktail de James Bond lors d'une partie de poker ; car, contrairement au polonium 210, il existe un antidote à ce poison, ce qui est tout de même préférable pour ne pas faire mourir son héros.

La digitaline et ses dérivés interagissent avec la Na+/K+-ATPase, une molécule impliquée dans la régulation du signal nerveux, et contrôle également indirectement la quantité d'ions calcium dans une cellule. Ces composés modifient les signaux électriques envoyés par les nerfs qui coordonnent les contractions du cœur, jusqu'à provoquer la paralysie. Dans le film, James Bond est traité par de la novocaïne (chlorhydrate de procaïne), effectivement utilisée comme antidote à la digitaline. En revanche, l'utilisation du défibrillateur par la très sexy Vesper Lynd est une mauvaise idée, confirme Kathryn Harkup. « Les impulsions électriques peuvent compliquer davantage les signaux électriques dans le cœur, et même l'arrêter complètement ».

Les capsules de cyanure de Skyfall

La capsule de cyanure est un grand classique des romans d'espionnage. Dans Skyfall (2012), l'ex-agent du MI6, Raoul Silva, devenu terroriste, explique à Q comment il a tenté de mettre fin à ses jours en croquant une capsule de cyanure mais qu'au lieu de le tuer, le poison l'a horriblement défiguré. Là encore, le film repose sur un semblant de vérité, des pilules de cyanure en verre ayant effectivement été distribuées à des agents secrets pendant la Seconde Guerre mondiale, rappelle Kathryn Harkup.

Le cyanure est facilement absorbé dans l'organisme et se diffuse dans les cellules où il bloque les enzymes cytochrome oxydase, ce qui provoque des maux de tête violents, des vomissements, puis des palpitations, des convulsions et un arrêt cardiaque. En revanche, le fait qu'il puisse défigurer quelqu'un est plus discutable. « L'acide cyanhydrique peut réagir avec le carbonate de calcium dans les os du crâne, mais il faudrait pour cela de très fortes concentrations », explique Kathryn Harkup. À noter que le cyanure fait également une apparition dans le roman Dr. No (mais pas dans le film), où le méchant Mr. Jones croque dans une cigarette empoisonnée pour éviter de répondre aux questions de Bond.

Source: 
Les poisons dans les films de James Bond ont-ils un semblant de vérité scientifique ? | Futura Sciences

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